L'église romane Notre-Dame-et-Saint-Paul de Saint-Paul-Trois-Châteaux, monument classé Monument Historique depuis 1841, a été cathédrale jusqu'à la Révolution française. En effet après le concordat de 1801, l'évêché du Tricastin ne fut pas rétabli mais rattaché à celui de Valence.
Il s'agit d'un des exemples les plus achevés de l'art roman provençal avec l'église Sainte-Trophime d'Arles. Simplicité des plans, élégance des volumes et abondance des références antiquisantes (dans des territoires fortement marqués architecturalement par la présence romaine) en sont les principales caractéristiques.
Edifiée de la première moitié du XIIe siècle au début du XIIIe siècle en pierre du « midi » des carrières voisines de Saint-Restitut, elle recouvre sans doute l'emplacement d'une église carolingienne antérieure, dont des éléments de murs ont été mis au jour au cours de fouilles archéologiques en 2000 et 2001. L'unité de son style est d'autant plus remarquable qu'elle connut de nombreuses vicissitudes, les Guerres de Religions et la Révolution française étant les principales. Mais l'on doit aux restaurations du XIXe siècle d'avoir supprimé la plupart des adjonctions post-romanes, et parfois même d'avoir reconstruit dans le style roman. Seuls, au Sud, la Chapelle Notre-Dame-l'Episcopale, élevée par l'évêque Etienne Genevès en 1460, et le voûtement d'ogive du porche viennent signaler la présence du gothique.
Au XVIIe et au XVIIIe siècles le sol de la cathédrale était creusé de caveaux, certains réservés aux chanoines et aux évêques, les autres accueillirent les dépouilles de très nombreux tricastins.
Selon l'orientation classique, la façade principale est située à l'ouest et s'ouvre par un portail en plein-cintre dont l'archivolte est ornée de masques humains et de rosaces surmontés de feuilles d'acanthes. Les portes en bois datent du XVIIe siècle et sont sculptées de deux très belles figures de la Vierge et de Saint Paul dans les écoinçons. Deux séries de pilastres et colonnes cannelés engagés encadrent le porche. Cette façade est certainement inachevée, comme l'indique une reprise du parement à l'emplacement des chapiteaux manquants. La disposition des colonnes et pilastres présente des analogies avec des monuments antiques et en particulier avec l'arc de Saint-Rémy-de-Provence. Au dessus se trouvait probablement une corniche surmontée d'un fronton qui s'inspirait peut être de l'Arc romain d'Orange (hypothèse A. Hartmann-Virnich).
La partie supérieure, très murale, est rythmée par la présence de trois oculus, aux dimensions et aux décors tous différents, et de deux baies.
Le portail sud, ouvert sur le quartier canonial et l'activité de la ville médiévale et actuelle, est précédé d'un porche voûté d'ogives au XVe siècle. Il était orné d'un tympan sculpté représentant l'Adoration des Mages, détruit au cours des guerres de religion : en 1561, à la veille de Noël, les protestants se livrèrent à une véritable mise à sac de l'église. Les portes en bois datent, comme celles du portail Ouest, du XVIIe siècle. Deux figures de la Vierge et de Saint Paul ornaient également les parties hautes avant d'être bûchées au cours de la Révolution française. La polychromie d'origine des colonnes et des chapiteaux du porche est encore bien visible.
La façade Sud rassemble les éléments les plus décorés de l'édifice (porche, bas reliefs figurés, clocher, ouvertures, gargouilles, ...). C'est là que s'expriment le plus abondamment les références antiquisantes de la sculpture décorative : corniches, pilastres cannelés et chapiteaux corinthiens n'ont rien à envier à de nombreux monuments romains du Sud de la France, tels que la Maison carrée de Nîmes par exemple.
Contrairement à la disposition habituelle au centre du transept, le clocher est décalé sur le bras sud (d'ailleurs plus vaste que le bras nord). Bien que refait au XVIIe siècle, après avoir été abattu au XVIe siècle, il pourrait avoir conservé son emplacement d'origine. Sa toiture pyramidale date, elle, du XIXe siècle.
Le chevet, avec son abside à pans coupés encadrée de deux absidioles semi-circulaires couvertes de dalles de pierre, ses décors de bandes lombardes et de modillons sculptés, est particulièrement représentatif de l'alliance de rigueur et d'équilibre des formes proposée par l'art roman. C'est d'ailleurs par ces volumes que les ouvriers du Moyen Âge commencèrent, vers 1120, la construction du monument. Ils gravèrent de très nombreuses marques (dites "marques de tâcherons") sur les pierres appareillées : A, S, G, B ..., que l'on retrouve aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'édifice, mais également sur d'autres monuments romans du Tricastin. Cependant, elles sont uniquement présentes au chevet, au transept et dans la première travée de la nef à Saint-Paul, c'est à dire dans toute la partie du monument construite au cours de la première moitié du XIIe siècle. Pour la seconde campagne de construction qui acheva l'édifice, de la fin du XIIe siècle au début XIIIe siècle, presque aucune marque de tâcheron n'a été laissée dans la pierre.
La façade Nord, tournée vers les remparts, et, jusqu'en 1850, vers le cimetière qui la jouxtait, est au contraire particulièrement austère. Entièrement aveugle (à l'exception des baies éclairant une chapelle édifiée au XVe siècle), seules des bandes lombardes disposées sur le bras Nord du transept viennent en animer les parements.
Comme il est d'usage dans l'art roman, on retrouve à l'intérieur de l'édifice les caractéristiques observées à l'extérieur : sobriété, élégance des volumes et qualité du décor sculpté, largement antiquisant, frappent dans la nef à trois travées flanquée de deux bas côtés couverts en demi-berceaux. Longue de 28m, la nef est voûtée en berceau à une hauteur de 19m.
La croisée du transept saillant est surmontée d'une coupole sur trompes réalisée au XIXe siècle dans le style roman, proche de celle qui devait exister à l’origine et qui avait été remplacée au XVIIe siècle par un dôme baroque après les dévastations des guerres de religion. Absides et absidioles du chœur sont voûtées en cul de four, l'abside centrale étant pourvue de nervures plates qui prolongent visuellement les colonnes cannelées à chapiteaux corinthiens du niveau inférieur.
Aux angles de la nef, sous le départ des voûtes, les 4 symboles des évangélistes sont sculptés dans la pierre.
La remarquable décoration sculptée de la partie haute de la nef fut interrompue à partir de la seconde travée, probablement pour des raisons financières. Le programme, tel que l'on peut le voir achevé, sur le côté nord de la première travée, prévoyait un faux-triforium* constitué de 3 arcatures aveugles voûtées en cul de four surmontant une remarquable frise sculptée en bas relief. La diversité et l'inventivité des décors des chapiteaux du triforium sont remarquables, bien que certains d'entre eux semblent ne pas avoir été achevés.
A chaque extrémité, des personnages tendent un tissu dont le drapé régulier se développe sur toute la longueur de la frise, surmontée d'une corniche ornée de feuilles d'acanthes, parfois peuplées d'oiseaux.
Une sculpture en bas relief, probablement du XIIe siècle mais malheureusement très endommagée représentant un Jugement Dernier est située à l'angle du pilier nord-est de la seconde travée de la nef. Son positionnement, un peu inhabituel, la rendait cependant bien visible par les fidèles qui pénétraient dans l'église aussi bien depuis le portail méridional que depuis le portail Ouest. Comme les tympans ornés de ce motif de nombreuses églises médiévales, ce bas-relief visait donc à rappeler aux chrétiens qui entraient dans l'église les conséquences d'une vie de péché ou de foi.
Plusieurs peintures murales d'époque gothique (XIIIe-XVe siècle) ornent les murs de la nef et se concentrent particulièrement dans la seconde travée, centre "névralgique" de l'église. Le pilier sud-ouest est orné d'un très beau baptême du Christ dans le Jourdain par Saint Jean-Baptiste, accompagné d'un chanoine donateur agenouillé. Le pilier lui faisant face au Nord est le plus orné : sur la façade Sud, deux bandes de rinceaux encadrent une scène de procès d'une martyre, peut-être Sainte Catherine, qui se développe à l'intérieur d'une architecture d'arcatures trilobées.
Sur la façade Sud du piédroit symétrique, une peinture figure en deux registres superposés cadrés par des arcatures en plein cintre ou en anse de panier, une vierge à l'enfant et deux apôtres ou prophètes.
Dans la première travée du bas-côté Sud de la nef, une voussure curieusement située, car sans utilité apparente, est également ornée de peintures murales : un Christ en majesté encadré des 4 symboles des évangélistes et de deux anges. Cet aménagement, ainsi que les traces de piquetage sur les murs voisins, laisse supposer que cette partie du bas-côté était destinée à être aménagée (peut-être à la fin du XIVe siècle) en une chapelle qui n'aurait pas été achevée.
Le chœur de l'église est orné d'une mosaïque romane du 12e siècle représentant de manière très stylisée l'architecture d'une ville avec coupole, toits pointus et tours crénelées. Son nom est indiqué en toutes lettres JERUSALÈ. A l'extrémité Nord un personnage souffle dans une trompe ou un cor. Au registre inférieur les symboles des deux évangélistes Luc et Jean, le taureau et l'aigle, sont figurés cernés par des cercles concentriques. Leurs pendants (dont ne subsiste que le lion ailé de Saint Marc) étaient placés sur le côté sud de la mosaïque. Les fouilles archéologiques menées dans la cathédrale en 2000 et 2001 ont montré que la mosaïque s’étendait à l’origine sur toute la croisée du transept et comportait d’autres médaillons ornés : l’un d’eux représentant une sirène a ainsi été découvert.
Un autel en bois doré classé Monument Historique, autrefois Maître autel, offert par l'évêque Claude Ruffier en 1663, orne le bas-côté Nord. Il est surmonté d’un tabernacle plus tardif (début XVIIIe siècle) et d’un retable rapporté, en bois doré, encadrant une toile du XVIIe siècle représentant Saint Martin guérissant un pestiféré. Dans ce même bas-côté, à la travée précédente, une tribune dont le voûtement de pierre date de 1757, soutient un buffet d'orgue en bois, classé Monument Historique, exécuté en 1704 par le facteur d'orgue avignonnais Charles Boisselin.
Dans la chapelle Notre-Dame-l’Épiscopale sont notamment présentés un tableau à l’iconographie originale : « Les Familles du Christ » ainsi que les portraits (fin XVIe/début XVIIe siècle) de deux évêques de la fin du XVIe siècle : Antoine du Cros et Antoine Gaume. Un buste d’évêque en bois doré daté du XVIIIe siècle complète cet ensemble d’oeuvres inscrites à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques.
Dans le transept, une copie de « La Cène » de Léonard de Vinci par Molinari (1838) fait face à « L’Adoration des Bergers » du peintre valentinois Choisnard (1844). La façade occidentale s’orne d’une grande toile de 1847 du peintre Sennequier illustrant la légende de saint Paul et du portrait par Auguste-Félix Clément (1878) de Monseigneur Sibour, natif de Saint-Paul-Trois-Châteaux et archevêque de Paris de 1848 à 1857.
Enfin on peut admirer dans la nef une très belle vierge à l'enfant en marbre, copie du XIXe siècle d'une vierge que réalisa le sculpteur marseillais Pierre Puget en 1680.